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Stage à Jerusalem
16 mai 2008

Tiberiade

Malgré mon manque d'entrain ces derniers temps, ce sentiment de perte et de ne plus où savoir où j'en suis, je vais essayer de recopier quelques notes, qui trainent depuis quelques temps. En me forçant un peu.

 

Semaine du 11 mai

Encore des problèmes de voiture cette semaine : je penche désormais plutôt pour me débarrasser de celle-ci. Mercredi : je me décide à aller voir un garagiste ; celui-ci me dit qu'il faudrait changer le joint de culasse, mais que je pourrais autant aller à un autre garage pour trouver moins cher. Hanna m'aide à trouver les coordonnées d'un autre garage, j'y vais le lendemain : cambodgien parlant français, plutôt sympathique. Il m'explique qu'il faudrait revoir tout le système de refroidissement, ce qui reviendrait évidemment plus cher. Je ne lui laisse pas encore la voiture, préférant réfléchir à si ça vaut le coup de la réparer. Mais s'il n'y avait que ces aller-retours de garage en garage, ce serait bien trop simple. Désormais, il arrive que le moteur s'éteigne lorsque je m'arrête aux feux et qu'il ne veuille plus redémarrer. Ainsi, en allant au deuxième garage, j'ai réussi a bloquer toutes les voitures qui attendaient derrière moi pour tourner à gauche. Incompréhension des autres automobilistes, klaxons, c'est très agréable. Un type m'aide à me garer sur le terre-plein central de la rue, puis ma voiture finit par redémarrer. Je parviens tant bien que mal au garage. Sur la route du retour, c'est la même chose : lorsque je m'arrête aux feux, le moteur semble défaillir ou s'arrête carrément pour redémarrer difficilement. Mais ce n'est pas fini : juste devant l'Université Hébraïque, c'est le voyant de la température qui s'allume et il me faut me garer in extremis sur le trottoir. Bon, j'aurais de toute façon eu à poireauter une heure à cet endroit pour laisser atterrir les hélicoptères de G. W. Bush. En effet, il arrive à Jerusalem en hélicoptère depuis l'aéroport et l'hélicoptère se dépose dans le stade de l'Université Hébraïque. On avait d'ailleurs eu droit aux répétitions en début de semaine, où des hélicoptères de l'armée américaine avaient survolé le campus des journées entières. Je peux désormais vous dire que ça fait particulièrement bizarre d'avoir un hélicoptère immobile juste au dessus de sa tête : déjà, il ne bouge absolument pas, et en plus on se demande ce qu'on a bien pu faire de mal...

Je travaille un peu plus cette semaine : c'est plus motivant aussi. Je ne suis plus arrêté par mon manque d'habitude avec le programme Matlab et je peux donc me consacrer à des choses plus fondamentales, à aller plus vite. A cela s'ajoute le fait qu'Avishaï veut accélérer la cadence, avec déjà des idées de publications dans la tête. Vers ma première participation à un article scientifique ?

Son nom ne dira sans doute pas grand chose aux non-physiciens, mais j'ai eu droit cette semaine à une conférence de Jacob Bekenstein. C'est un physicien qui a travaillé notamment avec Steven Hawking sur la thermodynamique des trous noirs (le concept d'entropie des trous noirs, c'est lui), mais l'objet de sa conférence, c'est la théorie MOND (MOdified Newtonian Dynamics). Il s'agit d'une théorie qui va à contre courant des idées actuelles en cosmologie, mais dont l'accord avec les observations n'en est pas moins bon. En fait, tout commence quand on s'aperçoit que les vitesses des étoiles en périphérie des galaxies ne sont pas comme l'on s'y attendrait avec la théorie newtonienne de la gravitation : tout se passe comme s'il y avait une masse cachée, en plus, que l'on ne pourrait pas voir. C'est à partir de cette observation qu'on en est venu à postuler l'existence d'une matière invisible, la matière noire. Hypothèse ad hoc qui avait le mérite de ne pas remettre en question la loi de Newton pour la gravitation et sur laquelle se base actuellement le modèle standard de la cosmologie (modèle ΛCDM, pour Lambda Cold Dark Matter - ce modèle postule en plus de la matière noire l'existence d'une constante cosmologique Λ, qui expliquerait l'accélération de l'expansion de l'Univers). L'autre possibilité face à ces observations, bien plus audacieuse, c'était tout bonnement de remettre en question l'une des bases de la physique : la loi de Newton pour la gravitation. C'est ce qu'a fait Mordechaï Milgrom (Institut Weizmann, Rehovot) en 1981 : il a ajouté un terme dépendant de l'accélération dans la loi de la gravitation. C'est tout aussi ad hoc, et choque dans la mesure où il n'y a pas de théorie sous-jacente pour le moment qui expliquerait cet ajout de manière satisfaisante. Reste que la démarche est séduisante (il faut un certain courage pour remettre en question Newton) et que cette théorie a permis de faire des prédictions qui ont été vérifiées. Jacob Bekenstein travaille actuellement, comme quelques rares autres, à trouver une théorie plus fondamentale qui expliquerait la nouvelle forme de la loi de la gravitation : s'il y a bien quelques problèmes observationnels (mais peut être pas insurmontables), il me semble que le principal reproche fait à MOND, c'est l'absence de théorie sous-jacente.

Jeudi soir : appel de Marie, qui parle de ses doutes, envisage notre séparation. Ça n'est pas encore très clair. Je ne peux y croire, c'est impossible. J'attends qu'elle me rappelle.


Tiberiade (16, 17 mai)

Vendredi matin : la route qui mène mon bus à Tiberiade longe le mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. On aperçoit les minarets et les dômes des mosquées de Taibe et de Tulkarem : dômes verts, hauts minarets qui dominent les habitations, s'élargissant en haut pour former une sorte de balcon. Toits oranges, murs blancs ou jaune pâle. Du coté israélien, d'autres villages arabes avec minarets et dômes verts, séparés des précédents par le mur. Ils ne sont pas si différents pourtant. Grandes et belles maisons, hautes sous plafond, avec terrasses, grandes fenêtres, balcons (avec des colonnes parfois) : assez typique des villes et villages palestiniens (présente d'ailleurs aussi en Jordanie).  Beaucoup de bâtiments en construction, à flanc des collines, tournés vers la vallée. Par endroits, fort contraste entre les superbes maisons flambantes neuves et les déchets ménagers déposés en contrebas. Paysages verts, champs de blé, vergers, forêts (conifères notamment), dont les arbres sont régulièrement espacés. Cactus aux fleurs jaunes le long de la route. Dans le bus, beaucoup de militaires comme d'habitude, avec leur arme sur le dos, l'uniforme vert clair : les militaires voyagent en bus. Je pense à Marie, c'est complètement irréel. Je me suis presque forcé à ne pas rester à rien faire dans ma chambre ce week-end.

Sur le bord de la route, affiche pour les 60 ans de l'Etat d'Israël où on voit le bras tatoué d'un rescapé de la Shoah et le bras d'un bébé, avec en arrière plan le drapeau israélien. En parcourant mes photos, vous avez déjà pu voir deux autres affiches du même cru, qui ont le mérite de montrer quelque chose de l'idéologie israélienne. Sur la première, on voit un randonneur qui contemple un paysage aride et rocailleux  (vers Mitzpe Ramon peut être) : importance de la terre, de la randonnée, de la nature. S'approprier la terre, être sensible à la beauté des paysages. Sur la deuxième, un enfant devant le drapeau israélien. Omniprésence du drapeau sur ces affiches, regard de l'enfant vers le futur. Et sur la dernière, ce serait comme un message d'espoir, un lien entre deux générations, pour qui un rêve est devenu possible. Car même si l'État d'Israël n'a pas été fondé directement par les rescapés de la Shoah, leur immigration massive après-guerre et ce qu'ils avaient vécu ne pouvait pas ne pas marquer la conscience de ce jeune État.

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Promenade à Tiberias à vélo : j'avais mis le vélo dans le bus, et je compte bien faire le tour du lac à vélo demain. Ville déprimante, même si je suis conscient que cette première impression est pour partie une projection. Près du lac et pourtant pas moyen d'approcher l'eau : des grillages délimitent les plages privées, les complexes hôteliers au bord de l'eau. Derrière les grilles : brumisateurs, gazon, plantes, piscines, et plus loin les galets du bord du lac. Des hôtels fantômes aussi, qui me rappellent un souvenir assez vague, à la montagne. Peut être lors de ma randonnée dans les Pyrénées avec Daniel...   

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C'est à Tiberiade que sont enterrés certains tsaddikim (les justes), des sages du Judaïsme. Vénérés comme des saints, ce ne sont pourtant que des hommes, qui ont brillé par leurs enseignements, leur philosophie ou leurs commentaires de la Thorah. Les tombes sont dans un état lamentable, pleines de bouquins en hébreu, avec des tables pour poser les livres et des chaises. Mur métallique ridicule séparant un espace pour hommes d'un espace pour les femmes. Des personnes en train de prier seules en ce vendredi après-midi, une main posée sur la pierre tombale. Des bougies brulent dans une alcôve métallique.

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Tombe de Maïmonide (Rambam)

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Tombe de Rabbi Akiva

Des hauteurs de la ville, très beau paysage sur le lac. Verdoyant, montagnes rougeoyantes dans la lumière du soir, de l'autre coté du lac.

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Le soir, je trouve quand même une promenade le long de l'eau, avec ses magasins, ses vendeurs de glaces et ses restaurants. Ambiance de station balnéaire. Deux mosquées en ruine au milieu de la ville, les ruines d'une forteresse en basalte noir : dommage de ne pas les mettre en valeur. Femmes voilées avec leurs enfants dinant près de l'eau, certaines ayant emmené leur repas dans de gros sacs. D'autres personnes font un barbecue sur la jetée, fument la chicha. Je suis dans un hôtel miteux qui a le mérite d'être bon marché ; je ne suis pas sûr que j'y resterais plus d'une nuit.

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Le lendemain, je prends la route qui longe le lac vers le nord, à vélo. Plages le long de la route : tables de pique-nique, odeur de barbecue. Les gens y viennent en voiture, semblent parfois y rester la nuit, avec leurs tentes. Panneaux "interdit de nager" qui n'empêchent pas les gens d'aller dans l'eau. Peut être une manière de décliner toute responsabilité en cas d'accident, mais c'est quand même bizarre, le concept de la plage où on ne peut pas se baigner.

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Je monte vers les hauteurs : mont des Béatitudes, où Jesus aurait fait son "serment de la montagne". Paysage superbe aux alentours, mais sur le mont même, la vue est un peu obstruée par les grillages de l'église qui s'y trouve.

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Je continue vers Korazim, où se trouvent les ruines d'un ancien village. J'irais à Capharnaüm une prochaine fois (juste en contrebas du mont des Béatitudes, mais la route menant à Korazim monte puis redescend : je n'ai pas trop envie de remonter pour redescendre une nouvelle fois). Ruines d'un bain rituel juif (Mikveh) et d'une synagogue, l'ensemble des ruines en basalte noir.

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Au nord je traverse le Jourdain, la vallée de Beitsaïda : cours d'eau entouré de verdure. Des gens descendent en rafting, d'autres pêchent. Eucalyptus, palmiers.

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Le long de la route, des bananiers et les montagnes. Je m'arrête pour me baigner à l'une des plages de la rive est du lac, Gofra Beach.

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Je finis la route avec Bert, un hollandais. Le Jourdain continue au sud du lac, et à Yardenit, les pèlerins s'immergent. Soit disant là où Jésus se serait fait baptisé. Les gens payent 9$ pour louer une tunique qui colle à la peau une fois mouillée, entrent dans l'eau par petits groupes, font quelques prières et mettent la tête sous l'eau. 

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En sortant, on peu ramener un morceau de la Terre Sainte avec nous :

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Je flâne encore un peu à Tiberiade, la nuit tombante, je prends une glace, avant de reprendre le bus. Je suis épuisé après cette journée, comme après avoir beaucoup nagé, comme si mes poumons inspiraient plus profondément. Tout ça pour ne pas y penser ?



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