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Stage à Jerusalem
1 avril 2008

Quasicristaux

Colloquium sur les quasi-cristaux (par Ron Lifshitz) : très intéressant, pleins de belles images ! Je vous fait part de quelques notes et surtout d'images...

Définitions successives d'un cristal :

- Solid with facets that intersects at characteristic angles : il s'agit d'une première définition à partir de la forme observée des cristaux à l'échelle macroscopique (notre échelle) ;

cristal

- Solid composed of a periodic arrangement of identical unit cells : plus en rapport avec la structure même du cristal ; des motifs triangulaires, carrés, rectangulaires et hexagonaux sont possibles : c'est tout (essayez de faire des motifs périodiques avec des pentagones, il y aura des recoupements ou des vides) ;  

Hauy2
Ci-dessus : construction de René Just de Haüy, 1743-1722, pour expliquer la forme des cristaux

- Dans les années 1980, Dan Shechtman (Technion, Haïfa) observe les signes de motifs de formes "interdites" par la périodicité. Les diagrammes de diffraction sont obtenus en faisant interférer de la lumière sur le cristal ; cela revient à effectuer une transformée de Fourier des motifs géométriques, processus qui nous informe sur l'organisation du cristal.  

diffraction
Ci-dessus : figure de diffraction du type de celle observée par Shechtman

A partir de cette observation, l'Union Internationale de la Cristalographie propose en 1992 une nouvelle définition des cristaux : A crystal is any solid having an essentially discrete difraction diagram. Cette définition élargit la définition à des solides dont l'organisation moléculaire n'est pas périodique : les cristaux quasi-périodiques (quasicrystals).

Pour se faire une idée des quasicristaux :

Problème de Fibonacci :
« Combien de descendants un couple de lapins aura-t-il en une année ? On place un couple de lapins dans unenclos, en sorte de connaître le nombre de paires qui en sont issues en une année. Par nature, une paire de lapins donne naissance à une autre paire de lapins chaque mois, et ce à partir de leur deuxième mois de vie. Comme la paire initiale met bas dès le premier mois, double leur nombre : les voilà deux paires au bout d’un mois. De ces deux paires, une seule, bien évidemment en vertu des hypothèses, met bas le deuxième mois : ainsi il y a trois paires au bout de deux mois. Deux d’entre elles peuvent procréer le troisième mois, et de cette façon il y aura cinq paires à la fin du troisième mois (...). »

Initialement : Un couple de lapins adultes (noté L pour Long) ;

Fin du premier mois : Un couple adulte (L), un couple enfant (S pour Small) ;

Fin du 2ième mois : seul le couple adulte a donné naissance à un nouveau couple. On a donc le couple adulte L, un couple enfant S, et l'ancien couple enfant est désormais adulte L;

On peut écrire la suite pour chaque mois en utilisant les notations L et S ainsi (en mettant des parenthèses dans un premier temps pour mettre en evidence la parenté : le (LS) de la troisième ligne vient du couple L de la deuxieme) :

L

(LS)

(LS)L

(LS)L(LS)

Règles de substitution à chaque étape :

                L → LS

                S → L

On peut continuer la pyramide :

L

LS

LSL

LSLLS

LSLLSLSL

LSLLSLSLLSLLS

LSLLSLSLLSLLSLSLLSLSL

...etc

Si on compte le nombre de couples chaque mois, on obtient la suite de Fibonacci :

1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610, 987, 1597, 2584, 4181, 6765, 10946, ...

Au bout de 12 mois, on a donc 377 couples de lapins.

 

La suite LSLLSLSLLSLLSLSLLSLSLLSLLSLSLLSLLS apparait à première vue comme assez aléatoire, mais elle cache en réalité une certaine sorte de périodicité. Ron Lifshitz nous fait écouter cette suite : aux L correspondent un son, aux S un autre : on entend bel et bien des sortes de motifs, mais dès que l'on semble s'habituer à l'un d'entre eux, que l'on a l'impression de tenir un motif, une légère modification intervient qui change la mélopée. Voici les 100 première notes de la séquence de Fibonacci : les "L" sont transcrits par des ré (1173.33 Hz) et les "S" aussi par des ré, mais une octave au dessus (2346.66 Hz). Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site d'où vient cette séquence musicale. On y apprend aussi que nombre de compositeurs classiques utilisaient le nombre d'or, pi ou la séquence de Fibonacci dans leur musique (avec parfois équations et égrenage des nombre de la suite dans la marge). D'après certains, Mozart aurait ainsi utilisé la suite de Fibonacci dans sa Symphonie n° 40, qui serait aussi présente dans la musique de Bartok et plus récemment dans le film Pi de Darren Aronofsky.

Dans la séquence de Fibonacci, on a donc de l'ordre sans périodicité, ce que l'on perçoit plus à l'écoute de la séquence qu'avec la vue. On peut la voir comme une séquence apériodique à une dimension.

Penrose Tiling : à deux dimensions, le pavage de Penrose (1931 - ) crée des structures qui semblent se répéter, avec une certaine régularité et qui ne sont cependant pas périodiques.  Le pavage se construit à partir de motifs simples qui évoluent selon des règles analogues à celles de la suite de Fibonacci (cliquez sur l'image de gauche) .

 

Pavpentri

 

On peut alors obtenir des structures apériodiques assez grandes :

map_15_40Bsubset

La meilleure façon de caractériser ces pavages, c'est de "passer dans l'espace réciproque", c'est à dire de faire une transformation de Fourier. Cela revient à compter en fréquence (Hz) au lieu de compter en temps (s), à compter en nombre d'onde (inverse d'une distance) au lieu de compter en longueur d'onde (distance) : on dit qu'on trace le "spectre" du signal, ici l'ensemble du dessin. C'est pas évident à visualiser. Un signal sinusoidal sin(2π x) fait des oscillations autour de l'origine à une seule fréquence (sa période vaut 1) : son spectre se limite donc à un seul nombre, sa fréquence. L'analyse de Fourier permet de décomposer les signaux en harmoniques. En musique, le "la" du milieu du piano est à 440 Hz, mais l'on peut parfois entendre des harmoniques à 880 Hz - le "la" de l'octave au dessus. Le spectre du son entendu rendra compte du fait que l'on entend distinctement le signal à 440 Hz et plus faiblement celui à 880 Hz : sur le spectre, on aura un grand pic à 440 Hz et un pic plus petit à 880 Hz. Le son aura été décomposé suivant les deux harmoniques.

Calculer le spectre à partir d'une image en deux dimensions, c'est aujourd'hui faisable, mais cela ne l'était pas en 1982 : pour avoir le spectre, on faisait interférer de la lumière sur un transparent imprimé des motifs (en tout tout petit). Le processus d'interférence est un processus de transformation de Fourier ; en traversant le réseau formé des motifs imprimés, des interférences destructives et constructives se forment pour former une image de ce type, qui rend compte de l'organisation des motifs (Ron Lifshitz nous en fait la démonstration au tableau) :

diffraction

Johannes Kepler (1571-1530) s'est pas mal interessé aux pavages (Harmonices Mundi, 1619), et décrivait déjà ce type de pavages apériodiques.

kepler5

D'après Harmonices Mundi : pavages pentagonaux. On voit apparaitre des motifs étoilés, des décagones : en fait, on peut faire rentrer trois pentagones dans les décagones, ce qui est observé dans la nature.



Et je finis avec le pavage du sanctuaire Darb-i Imam à Ispahan (Iran), chef d'oeuvre de l'art islamique (cf article dans Nature) - un pavage de Penrose :

quasicrystal_Darb_i_Imam

 

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