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Stage à Jerusalem
13 juin 2008

Tour liturgique dans la Vieille Ville

Je rejoins une partie des cosmologistes du workshop pour une visite guidée de la Vieille Ville orientée sur les différentes liturgies chrétiennes.

 

Le rendez-vous est à la Porte de Sion, près du mont Sion (nord ouest de la Vieille Ville) et la visite commence par l'Église de la Dormition, à l'extérieur des murs. C'est une église bénédictine allemande construite au début du XXième, dont l'intérieur est une réplique de l'église construite par Charlemagne pour son sacre à Aix-la-Chapelle.

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La guide nous fait remarquer la mosaïque sur le sol (qui elle n'a pas été copiée de l'église d'Aix-la-Chapelle) et où se trouvent des motifs non chrétiens : signes du zodiaque (longtemps vus d'un mauvais œil par l'Église), des inscriptions en grec (dans une église catholique). On peut notamment lire ΑΓΙΟΣ ΑΓΙΟΣ ΑΓΙΟΣ (Agios répété trois fois), le début du Sanctus, une prière très importante dans le christianisme, ici en grec (bizarrement) et qui vient en fait du Judaïsme (livre d'Isaïe) :

Isaiah 6:3

Kadosh Kadosh Kadosh Adonai Tz'vaot, Melo Kol Haaretz Kevodo soit "Saint, Saint, Saint le Seigneur Dieu de l'univers. Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire".

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Si l'église s'appelle église de la Dormition, c'est parce que le mont Sion serait le lieu de la montée au ciel de Marie - mais pas tout le monde est d'accord : pour les orthodoxes, elle serait montée de son vivant, pour les catholiques il s'agirait d'une mort douce...

Mosaïques comme dans les églises orthodoxes : reconnaissables à l'orientation aléatoire des carreaux dorés, qui font que la lumière se reflète différemment sur chacun d'entre eux. Lorsque le plâtre est encore mou, le carreleur frappe chaque carreau dans un coin différent pour lui donner cette orientation aléatoire.

Puis la visite continue dans le quartier arménien avec un office dans la cathédrale Saint Jacques. L'Arménie fut la première nation qui se convertit au christianisme en 301 après J.C.; leur présence à Jerusalem est donc très ancienne. Beaucoup de pèlerins arméniens s'y rendaient, comme l'attestent les pierres gravées que l'on trouve sur les murs de la cathédrale. Une maison aux nom des Aslanian : Aslan signifiant lion en arménien, ce qui me fait sourire vu que je suis en train de lire les Chroniques de Narnia, où le lion s'appelle justement Aslan. D'apres la guide, c'est aussi Aslan en persan et Assad en arabe (Bachar El-Assad).

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Mosaïques arméniennes et battant de bois pour marquer le début de l'office

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Les chapeaux pointus rappellent la forme du Mont Ararat, qui se trouvait en Arménie (aujourd'hui en Turquie) - allez ici pour entendre une liturgie arménienne.

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Typique du quartier arménien : les cartes du génocide arménien (1915-1916)

Église syrienne : si pour beaucoup la salle de la Cène est située sur le mont Sion, certains pensent qu'elle se trouve ici, au sous-sol d'une église de rite syrien. Eh oui ! Au sous-sol malgré le fait qu'elle est censée se situer au premier étage (la salle attribuée à cet épisode sur le Mont Sion est bel et bien surélevée), mais après tout pourquoi pas : au fur et à mesure du temps, le niveau du sol monte... (Particulièrement visible sur le Cardo, l'ancienne rue principale de la ville, qui est aujourd'hui une dizaine de mètres sous le niveau du sol). La guide nous avait brièvement amené dans la salle se trouvant sur le Mont Sion, mélange de voutes gothiques et d'architecture islamique (le lieu fut utilisé comme église et comme mosquée successivement). Le récit du Nouveau Testament veut que Jésus ait dit à ses disciples de suivre un homme portant de l'eau, ce qui identifiait en fait cet homme à un essénien. Car ceux-ci prônaient le célibat, et comme nous fait remarquer la guide, à l'époque, "chaque homme était marié à une esclave qui lui faisait à manger et allait chercher l'eau". Les seuls hommes à aller chercher l'eau à la fontaine était donc esséniens, et ceux-ci organisaient des repas communs où n'importe qui pouvait se joindre. D'où les propos de Jesus. Une anecdote sur les ésseniens : comme ils considéraient Jerusalem comme sacrée, même s'ils travaillaient à l'intérieur de la ville, ils allaient faire leurs besoins à l'extérieur. D'où un va et vient incessant.

Interdit de prendre des photos dans l'église syrienne : en effet, le drap qui cache l'autel a été relevé et il est interdit de prendre en photo l'autel en dehors des offices. Une femme nous raconte un peu l'histoire de l'église, comment c'est la première église de toute la chrétienté, qui ne s'est jamais arrêté de fonctionner pendant 2000 ans (là notre guide est un peu sceptique). Ce serait même là que les apôtres venaient prier, sur le lieu de la Cène, et il y aurait une icône représentant Marie avec Jesus qui aurait été peinte par je ne sais plus quel apôtre. Il est interdit de croiser les jambes dans l'église : je me fait rappeler à l'ordre.

L'on nous chante une prière en aramaïque, qui est une langue assez proche de l'hébreu : notre guide dit comprendre certains mots.

Photo ci-dessous : la butte au coin des deux murs indique la présence d'un lieu saint (ici l'église syrienne). Afin que les personnes ayant envie de pisser ou autres aillent se trouver un autre coin, même en pleine nuit.

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Nous nous dirigeons ensuite vers le Saint Sépulcre : inévitable !  Vers 17h, c'est le début de la prière pour les arméniens et les franciscains (les autres congrégations, c'est à un autre moment, histoire de limiter le nombre de décibels à l'intérieur du Saint Sépulcre). En entrant, on se retrouve devant la pierre de l'extrême onction (j'en ai déjà parlé, avec les gens mettent leur tête et leur portefeuille dessus), en face d'une mosaïque murale : crucifixion, mort et mise au tombeau de Jésus. Avec combien de clous est accroché Jésus ? Il y en a quatre, et c'est important : c'est le signe qu'il s'agit d'une mosaïque commandée par la congrégation orthodoxe, et il s'agit en effet du mur de la partie orthodoxe. Chez les catholiques, Jésus est cloué à la croix les deux pieds avec le même clou : 3 clous en tout donc.

Le Saint Sépulcre a été l'objet de bien des querelles entre les différentes congrégations chrétiennes, et la délimitation des zones appartenant à chaque congrégation a fait l'objet d'au moins trois Status Quo, qui organisent les droits de propriété et d'utilisation des lieux.  Ainsi, les franciscains ne peuvent pas crier à tue-tête dans la partie arménienne mais peuvent le faire dans leur zone à eux, et vice-versa. Encore récemment, des rixes ont éclaté pour des broutilles concernant l'utilisation par telle communauté des lieux de telle autre (comme en 2004, où les orthodoxes oublièrent de refermer la porte d'une zone franciscaine lors d'une cérémonie).

Le Saint Sépulcre a été construit sur les lieux d'un cimetière juif de l'époque du deuxième temple, ce qui va dans le sens de l'authenticité du lieu comme le lieu de la crucifixion et de l'enterrement de Jésus. En effet, dans une crypte syrienne, des tombes juives ont été trouvées par hasard en faisant des sondages pour une fuite d'eau. Il s'agit d'un ossuaire juif, car durant une assez courte période (du premier siècle avant J.C. au premier siècle après J.C.) les juifs laissaient les corps se décomposer un an avant de récupérer les os et de les mettre dans une boite. Restent les alcôves dans le mur pour accueillir ces boites.

Religieux, touristes et pèlerins du monde entier dans le Saint Sépulcre : franciscains en bure brune et ceinture blanche, religieuses catholiques en gris, noir, parfois avec un grand chapeau pointu qui vient horizontalement devant elles, nonnes roumaines avec chapeau arrondi, barbus orthodoxes en noir ; femmes russes avec un chiffon sur la tête, pèlerins musulmans venus d'Inde habillés de blanc, asiatiques, etc...

Quand on arrive, les franciscains sont auprès du tombeau du Christ :

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Cliquez sur les images pour des vidéos

Puis ils se dirigent vers une crypte arménienne où ils ne peuvent faire trop de bruit, pour ensuite aller sur le lieu du calvaire, au premier étage (chez eux), où ils allument toutes les bougies. L'autel franciscain a été fait par Jean de Bologne et est orné du blason de la famille Medicis. Ce qui sert d'autel était en fait initialement destiné à entourer la pierre de l'extrême onction, mais les congrégations autres que catholique n'étaient pas trop pour, et le meuble sert désormais d'autel.

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Les franciscains sortent de la crypte...

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... pour se rendre sur le lieu du calvaire (remarquez l'ambiance encensée et brumeuse).

Entretemps, les arméniens font une procession jusqu'à la crypte qui vient juste d'être libérée par les franciscains. C'est dans cette crypte (ou plutôt dans une sous-crypte, encore plus profonde) qu'Hélène, la mère de l'empereur Constantin, a découvert trois croix. Comment a-t-elle fait pour savoir laquelle était la bonne, celle de Jésus (car évidement, il n'y avait pas de doute qu'elle faisait partie du lot) ? Tout simplement en apportant un malade, en agitant les croix devant lui et en observant devant laquelle il guérit.

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Puis les franciscains descendent du lieu du calvaire pour continuer leur rituels ailleurs : ils éteignent les bougies en partant, puis arrive la procession arménienne.

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C'est sous l'autel orthodoxe (photo ci-dessus) que se trouvait la croix, d'où le fait que les gens viennent s'accroupir sous l'autel. Dans la salle juste en dessous, on peut voir une faille dans la roche. Lorsque Jésus est sur la Croix, le ciel s'assombrit et la terre tremble (vous voulez encore la Passion selon Saint Matthieu ?) : une faille s'ouvre et une goutte du sang de Jésus tombe dedans pour arriver sur le crâne d'Adam (Golgotha vient du mot araméen signifiant crâne, comme c'était un lieu d'ossements).

On suit la procession des franciscains dans une chapelle non loin de la tombe de Jésus : l'orgue joue à tout rompre, l'air est rempli de l'odeur fruitée de l'encens. Les arméniens redescendent eux aussi du lieu du calvaire pour arriver non loin : d'un coté les franciscains et l'orgue, de l'autre les arméniens et leurs voix graves, chaque groupe chantant de toute son âme (peut être aussi un peu de compétition ?).

La guide nous emmène dans la sacristie voir l'épée et les éperons de Godefroy de Bouillon, retrouvés et conservés par les franciscains. C'était le premier souverain de Jerusalem, ayant participé à la première croisade (il a d'ailleurs un superbe chateau à Bouillon, en Belgique !). Il y a aussi une pierre de son château.

On se dirige vers la sortie. Sur la porte d'entrée du Saint Sépulcre, des clous et des bouts de papiers dans la pierre : les clous, c'est contre les maux de dents. Un graffiti d'un doge de Venise, la tombe d'un certain Philippe d'Aubigny (en soulevant une plaque en bois, on peut voir la tombe, mais arrivent les gardiens du Saint Sépulcre mécontents) : tout en modestie, monsieur voulait se faire enterrer devant le Saint Sépulcre, pour se faire marcher dessus par tous les pèlerins.

On peut voir une échelle en haut de l'entrée : elle est là depuis 1837, comme elle était présente lors de l'inventaire du Saint Sépulcre. Et si elle est listée dans le Status Quo, elle doit là : un peu rigides, les curés ! Voyez par vous même les photos :

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A gauche : en 2005, à droite : en 1892

Donnant sur la place devant le Saint Sépulcre : une fenêtre appartenant aux anglicans. Ils étaient trop tard, les pauvres ! Quant aux éthiopiens, ils ont tout simplement été évincés à l'extérieur du batiment central, mais ont leur église juste à coté. Les protestant préfèrent un site en dehors de la ville qui, s'il n'est pas sur le site même de la crucifixion, a le mérite d'être au milieu des collines et d'être plus proche de ce à quoi devait ressembler le lieu à l'époque de Jésus.

Non loin du Saint Sépulcre se trouvait l'hôpital Saint Jean des hospitaliers, qui fut un temps le plus grand hopital du monde (2000 patients). On fini l'après-midi sur la terrasse de Papa Andrea, qui domine la Vieille Ville. A 19h, une sonnerie indique l'approche du Chabbat, une heure avant la tombée de la nuit.

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